Audience solennelle du 26 janvier 2022.

1. REMERCIEMENTS.

Cette audience solennelle se présente cette année sous son format inhabituel, sans invité, comme l’année dernière J’espère que nous pourrons enfin renouer avec la tradition l’année prochaine et je salue toutes les personnalités qui devaient être présentes.

J’aimerais tout d’abord rendre hommage à Monsieur Olivier NAGABBO, procureur de la République adjoint, qui est parti rejoindre dans le cadre d’une promotion la Cour d’appel de Lyon. Il a épaulé le tribunal de commerce avec un très grand professionnalisme depuis 2013, l’éclairant de ses avis pertinents. Nous souhaitons la bienvenue à Monsieur François Touret de Coucy, qui le remplace depuis septembre dernier. Il a commencé sa carrière en travaillant comme consultant dans le privé pour des entreprises de haute technologie, puis comme chargé de mission aux affaires européennes dans un conseil régional, avant de rejoindre le corps des magistrats où il s’est impliqué pour la formation des auditeurs de justice. Ce parcours atypique lui permet d’avoir une vision encore plus large de la société et apporte une approche nouvelle qui va enrichir le tribunal dans les années à venir.

En second lieu, j’aimerais adresser des remerciements particuliers à Messieurs les Greffiers du tribunal de commerce et à toutes leurs collaboratrices, pour leur dévouement, leurs savoir-faire et leur disponibilité.

J’aimerais rendre un hommage tout particulier à Messieurs Dominique et Jean Pouradier Duteil qui ont fait valoir leur droit à la retraite. Ils ont dirigé le greffe du tribunal de commerce avec un grand talent pendant 41 années pour Jean et 33 ans pour Dominique, ont travaillé avec une dizaine de présidents et ont su faire évoluer le greffe de la juridiction pour le rendre encore plus efficace et professionnel.

Leurs enfants respectifs, Guillaume et Pierre-Edouard, les ont remplacés en prêtant serment le 8 novembre 2021. C’est désormais la nouvelle génération (63 ans à eux deux), qui assure la relève.

Cette arrivée de sang neuf, à la fois au niveau du greffe et de la présidence du tribunal (je viens d’achever ma première année) est source de nombreuses évolutions et de projets. Le tribunal de commerce de Grenoble est un grand tribunal, il le sera encore plus dans les années à venir.

Je remercie également tous les partenaires au quotidien du tribunal, avec une mention appuyée aux AJMJ, commissaires-priseurs, à leurs collaborateurs et collaboratrices, pour leur professionnalisme et leur sourire.

2. INSTALLATION DES NOUVEAUX JUGES.

4 juges nous quittent en fin de mandat ou pour des raisons personnelles, la Covid ayant obligé certains à passer plus de temps dans leur propre entreprise : Sébastien NOEL, Jean-Yves RIOWAL, Laurent CORREARD, Cédric LAVIGNAC.

Le tribunal les remercie une nouvelle fois pour leur engagement au service de la justice et de l’économie de notre ressort.

5 nouveaux juges arrivent :

Etienne Descure.

Il aura 45 ans en mai 2021 et a 3 enfants.
Il est diplômé de Grenoble École de Management
Il a cofondé et dirigé l’entreprise Photoweb pendant 17 ans. Photoweb est le pionnier de l’impression de vos photos sur Internet et est l’une des références européennes dans ce domaine.
Etienne Descure gère désormais sa propre société d’investissement.

Cyril VUYLSTEKE :

Il aura 44 ans le 08 mars et est papa de deux filles.
Son parcours professionnel est un peu « atypique » étant donné qu’il est l’homme d’une seule entreprise, la société BETREC, celle dans laquelle il travaille aujourd’hui et pour laquelle il assume le statut de Président.
BETREC est une société d’ingénierie du bâtiment qui compte aujourd’hui plus de 100 collaborateurs.

Taïsei MIURA :

Taïsei MIURA aura 54 ans en novembre 2022 et a 4 enfants.
Il est Ingénieur Civil des Mines, diplômé de l’École des Mines de Nancy.
Il a été ingénieur process dans l’industrie pétrolière, directeur marketing et développement chez Veolia dans les métiers de la gestion des déchets et de l’eau et aujourd’hui Président de BH Technologies, une entreprise grenobloise proposant des services aux collectivités locales dans le domaine de l’éclairage public et des déchets.

Christine BILLAUD

Elle aura 68 ans en février 2022 et a 1 enfant
Elle est diplômée de l’université LYON I La Doua Master Scientifique et INSA LYON Master en Informatique.
Active dans le secteur du tourisme depuis 1987, elle a exercé la direction et la gestion de sites touristiques, aux confins du département de l’Isère et de la Drôme (2011 Trophée National « Femmes Chefs d’Entreprise » Tourisme). Puis elle a intègré pour un temps un Cabinet de développement touristique à Lyon en tant qu’Ingénieur d’études. En 2015 elle a rejoint la société voironnaise ACTIBUS, autocariste et agent de voyages. Associée, elle y dirige actuellement le service commercial.

Bruno VUILLERMOZ

Il aura 60 ans fin 2022 et a 3 enfants
Physicien nucléaire à la base, il s’est reconverti dans le droit très vite
Il est Conseil en Propriété Industrielle (c’est-à-dire tout ce qui traite des brevets, marques, dessins et modèles, droit d’auteur, licences et contrefaçon), et est DG de son cabinet (Cabinet Laurent & Charras, Lyon) depuis 1997.
Il a eu une première expérience de juge consulaire au TC de Lyon pendant 14 ans, entre 2003 et 2017.

Mes chers amis nouveaux juges, vous avez prêté serment en début d’après-midi devant la Cour d’appel.
C’est la marque de la confiance que Madame la première présidente vous accorde, nous accorde, et plus encore de l’importance de notre mandat de juge.
Qu’elle en soit remerciée.

Vous serez donc installés à l’issue de l’audience de ce jour et vous siègerez très vite comme assesseurs en audiences de contentieux et de procédures collectives.

Les juges réélus :

Philippe BLANCHARD, Olivier FAVELIN, Jean-Michel JAFFRIN, Michel LESBROS, Claude MARTINAIS, Franck NARDI, Lionel ROSSI, Catherine ROZAND, Philippe THOORIS, sont réélus pour un nouveau mandat de 4 ans.

Merci à toutes et tous pour leur implication et les services qu’ils rendent à la justice consulaire et à l’économie du ressort du tribunal.

Je remercie Monsieur le procureur de la République de ses paroles aimables. Vos propos traduisent votre implication et la complémentarité de nos relations, la confiance et le soutien apprécié, accordés par le parquet à l’action de notre tribunal, particulièrement en matière de procédures collectives.

3. L’ACTIVITE DU TRIBUNAL

Je remercie Messieurs les greffiers pour leur rapport sur l’activité du tribunal.

J’aimerais adresser un premier commentaire.

Lorsque la crise de la Covid est arrivée avec son premier confinement, nous pensions que nous allions être confrontés à un tsunami de défaillances d’entreprises après plusieurs années consécutives de baisse constante du nombre de procédures collectives.

Nous nous sommes trompés : le nombre des procédures a diminué de 40% passant de 573 en 2019 à 341 en 2020, il a encore diminué en 2021 de 22% (de 341 à 265). La diminution sur 2 ans monte à 53,83%. Pour rappel, ce chiffre est de 46,6% au niveau national selon la Banque de France.

Comment l’expliquer ?

Dès le début de la crise, l’État a mis en place un arsenal juridique adapté, mais surtout a apporté un soutien massif aux entreprises.

Pour doper l’économie française, le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens, en dépensant 134 milliards d’euros dans le cadre des mesures d’urgence (70 milliards en 2020 et 64 milliards en 2021), qui ont permis de soutenir la consommation et l’emploi.
Si 2022 marquera la fin du “quoi qu’il en coûte”, l’Etat français restera néanmoins très offensif en matière de soutien. Les plans d’urgence laisseront la place aux plans de relance à long terme : 30 des 100 milliards d’euros du plan France Relance – plan national parmi les plus importants d’Europe (en pourcentage du PIB) doivent encore être dépensés en 2022. S’ajouteront des dépenses publiques liées au plan d’investissement France 2030, voté en octobre et doté de 30 milliards d’euros.

Il faut rajouter à toutes ces mesures les PGE qui concernent quelques 697 000 entreprises qui ont contracté un PGE depuis mars 2020, pour un encours total de 143 milliards d’euros et dont une grande partie n’a pas été consommée.

Et n’oublions pas le surplus d’épargne accumulée par les Français. Il dépasserait les 170 milliards d’euros à fin 2021 selon la Banque de France.

L’économie française a ainsi retrouvé de l’éclat ces derniers temps. Elle a crû de 6,7% sur 2021, soit le rythme de hausse du PIB le plus rapide en 50 ans, jugeait en décembre dernier la Banque de France. La croissance de l’économie française ressortirait en tête sur la trajectoire de reprise économique au sein de la zone euro.

Mais rappelons que les PGE ne créent pas de richesses dans l’entreprise. Ce sont des crédits pour assurer la trésorerie. Ils ont permis de compenser les effets immédiats de la Covid.

Alors que les remboursements des premiers PGE doivent commencer en mars, ne va-t-on pas assister à une augmentation importante des défaillances d’entreprises trop fragilisées par la crise ?

Pour la Fédération bancaire française (FBF), la situation est « rassurante pour la plupart des entreprises y ayant souscrit : la moitié ont déjà commencé à rembourser depuis l’été 2021, sans difficulté ».

Un risque demeure pour 25 à 30 000 très petites entreprises, qui ont le plus souffert des mesures de restriction liées à la Covid, souvent des commerçants, artisans ou restaurateurs.

Monsieur Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, conseille à ces entreprises les plus en difficulté de se rapprocher de la médiation au crédit pour envisager les deux solutions proposées : d’une part étaler ces remboursements sur une période qui peut désormais aller jusqu’à dix ans, contre six normalement, d’autre part commencer le remboursement six mois plus tard que prévu, « à la fin de l’année 2022 ».

Quant aux tribunaux de commerce, ils ont également à leur disposition des outils adaptés à cette situation.

Dans certains cas, même en cessation de paiement, le tribunal peut dans le cadre d’un plan, étaler le remboursement de la dette, sans perdre la garantie de l’Etat pour les PGE.

Depuis le mois d’octobre 2021, il existe une procédure de sortie de crise, qui est une sorte de redressement judiciaire simplifié pour les entreprises qui ont été mises en difficulté par la Covid. Sous conditions (moins de 20 salariés, à jour des charges salariales, comptabilité sincère, …) une procédure très rapide de trois mois permet l’adoption d’un plan permettant d’étaler les dettes sur un maximum de 10 ans. Les procédures classiques plus longues, mais à des conditions moins contraignantes, peuvent également jouer ce rôle.

Dans tous les cas, vu le taux de croissance actuel, je pense que les sociétés qui étaient saines avant la crise resteront en bonne santé financière. Les économistes s’accordent à dire que la croissance devrait se poursuivre encore deux ou trois ans.
Par contre, les entreprises que l’on appelait « zombies », qui ont déjà consommé leur PGE, et qui ne se sont pas encore manifestées auprès du tribunal de commerce pour avoir un accompagnement, vont arriver.
Cette tendance commence à se faire ressentir depuis début décembre 2021. Le nombre de DCP est pratiquement revenu à son niveau de 2019.
Je rappellerai, pour finir ce chapitre, que seules les entreprises qui anticipent leurs difficultés ont des grandes chances d’être sauvées. La plupart des entreprises en cessation de paiements qui ouvrent des procédures collectives ont consommé l’essentiel de leur trésorerie et ne sont sauvées que dans 10% des cas. Celles qui anticipent, et qui utilisent les bonnes procédures, s’en sortent généralement. Les procédures amiables, mandat ad ’hoc et conciliation, ont des taux de réussite de l’ordre de 70%.

Je rappellerai également que chaque chef d’entreprise peut prendre RDV avec le président du tribunal ou ses délégués à la prévention pour exposer ses difficultés.
Les juges de la prévention lui exposeront alors tout le fonctionnement des procédures amiables et des procédures collectives, et essayeront de trouver avec lui la solution la plus adaptée.

Ces RDV sont gratuits. Il suffit d’appeler le greffe du tribunal pour les prendre.

Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise, ne craignez pas de venir nous voir, d’utiliser tous les outils qui existent.
Ils vous permettront de sauver le plus souvent votre entreprise.
Et plus vous viendrez tôt, plus vous aurez des chances de vous en sortir.

Les axes 2022 du tribunal.

Je continuerai de travailler avec le barreau pour que le tribunal soit encore plus efficace. Je salue l’arrivée de Jean-Yves Balestas qui retrouve le siège de bâtonnier qu’il avait déjà occupé, aux côtés de Sylvia Rizzi.

Je vais également promouvoir l’intérêt de la prévention, de l’anticipation, à l’extérieur et me rendrai disponible pour le faire le plus souvent possible.

Nous continuerons à travailler avec les AJMJ, pour rendre le tribunal encore plus performant et au service du justiciable.

Nous avons mis en place tout un programme de formations internes dispensées par des juges expérimentées mais également des professeurs de l’université qui se rajoutent à celles obligatoires organisées par l’ENM.

Avec les nouveaux greffiers, nous sommes en train d’améliorer toutes les organisations et procédures internes, afin que le tribunal de commerce de Grenoble devienne une référence dans son domaine.

Un grand effort a également été fait au niveau du numérique. La signature électronique a été mise en place en fin d’année, chaque juge a dorénavant son propre espace sur le site du greffe …

Les axes nationaux.

J’aimerais rappeler que les ordonnances du 15 septembre 2021 ont réformé le droit des entreprises en difficulté́. Ces ordonnances sont entrées en vigueur, pour les nouvelles procédures ouvertes, à compter du 1er octobre 2021. Elles ont transposé la directive de l’Union Européenne du 20 juin 2019 dans notre droit mais ne sont de loin pas limités à cela. Une quantité́ de nouvelles règles retiendront l’attention des praticiens, intéressant la durée de la période d’observation en procédure de sauvegarde, la situation des garants ou des créanciers, le contenu du plan tout autant que sa modification, etc.

L’intégration des artisans dans le collège des juges des tribunaux de commerce est un deuxième gros chantier. Cette intégration aura lieu à compter des prochaines élections qui auront lieu en fin d’année.

Je viens de passer une première année à la tête de ce tribunal. Je tiens à remercier tous les juges présents pour leur travail, leur implication, leurs valeurs qui font de ce tribunal un lieu exceptionnel, où l’intérêt général et le sens du service public dominent et en font ma fierté.

La mise en place d’un tribunal plus participatif a déjà commencé à porter ses fruits. Mes efforts pour ouvrir le tribunal sur l’extérieur en font de même. Je souhaite que le tribunal soit vécu par les justiciables comme une opportunité au service de l’entreprise et non une menace.

Je me rendrai disponible pour l’ensemble des acteurs qu’ils soient économiques, judiciaires et démontrerai ma volonté de dialogue.

Je vous remercie encore pour votre écoute.